Si le voyageur moderne se caractérisait par la décision de partir, de vivre une expérience de l’ailleurs pour se former, découvrir le monde et se découvrir lui-même, le voyageur hypermoderne vit plus radicalement l’affirmation et la réaffirmation de ses choix personnels, de son désir de « faire coupure ». Pour le voyageur moderne, la distance physique faisait choix : il ne lui restait que la nostalgie et des échanges épistolaires souvent incertains pour tenter de distraire l’éloignement avec les êtres chers laissés dans le pays de départ. Dans un monde connecté, cette présence, malgré l’éloignement physique, est à portée de doigts. L’expérience de l’éloignement est sans cesse soumise à la tentation de joindre ses proches, de « retourner », en quelque sorte, auprès d’eux. Cette possibilité de lien constant s’impose à lui, avec la conséquence d’entraîner des questionnements qui participent du choix de se déconnecter ou non. Au cours de notre intervention, nous verrons que le voyageur hypermoderne ne rompt pas avec la modernité. L’exemple du pèlerin contemporain le rappelle : cherchant désespérément à accomplir un voyage moderne, à produire la coupure autrefois évidente dont bénéficiait le voyageur d’hier, nous verrons qu’il crée paradoxalement les conditions préalables à une modification en profondeur de l’expérience du voyage.