Les élections pour la désignation des membres du parlement catalan organisée en décembre 2017 revêtaient une importance considérable dans le cadre d'un scrutin proprement exceptionnel tant en ce qui concerne le déroulement de la crise (1) que quant aux perspectives de son dépassement (2). 1-Une nouvelle étape dans le déroulement de la crise en Catalogne Inscrites dans le contexte spécifique de la tension opposant le gouvernement espagnol et les dirigeants catalans à l'origine de la déclaration unilatérale d'indépendance, les élections de décembre 2017 devaient marquer une nouvelle étape du déroulement de la crise qui touche la Catalogne depuis l'automne 2017. Cette crise, qui couvait depuis de nombreuses années et qui a pris une intensité particulière dans les dernières semaines, est, sans conteste, la plus importante et la plus radicale qu'a eue à affronter l'Espagne post-franquiste. En effet, l'une des plus grandes communautés autonomes a décidé de rompre sciemment avec l'ordre constitutionnel espagnol en déclarant unilatéralement son indépendance en violation assumée des dispositions constitutionnelles telles qu'affirmées régulièrement par le tribunal constitutionnel et relayées par le Gouvernement de Mariano Rajoy. En réponse à cette position non violente mais radicale, les autorités de Madrid ont décidé de mesures également radicales tant policières que pénales. Ainsi, non seulement les forces de sécurité espagnoles sont violemment intervenues pour s'opposer à la tenue du référendum organisé en Catalogne, mais les principaux dirigeants ayant participé au processus indépendantiste furent aussi arrêtés et demeurent incarcérés. Le président catalan, Carles Puigdemont, a quant à lui choisi de se réfugier en Belgique. Les élections du 21 décembre 2017 ont d'abord été exceptionnelles en raison des circonstances de leur organisation. Destinées à former le Parlement régional catalan, elles furent en effet convoquées par le Président du Gouvernement espagnol, M. Rajoy, lors de l'application de l'article 155 de la Constitution, qui lui permit de placer sous tutelle l'autonomie catalane, de destituer le gouvernement de Carles Puigdemont et de dissoudre le Parlement catalan. Pour la première fois depuis l'instauration de la démocratie en Espagne après la mort du Général Franco, les élections législatives catalanes ont donc été convoquées par le Gouvernement de Madrid et non par le Président de la Generalitat. Les élections catalanes ont également été exceptionnelles en raison du contexte extrêmement tendu et confus résultant de la déclaration unilatérale d'indépendance et des suites judiciaires et politiques du processus indépendantiste. Avec une partie du gouvernement destitué en prison et une autre à Bruxelles, la question de la suite du processus indépendantiste et de la réponse de Madrid à ce processus-mise sous tutelle de l'autonomie catalane et poursuites judiciaires-a non seulement envenimé les débats de la campagne électorale, mais aussi conditionné la tenue normale du processus électoral. Ainsi, les deux principaux partis indépendantistes-ERC et le PdeCAT qui se présentaient sous la plateforme électorale Junts Per Catalunya-ont fait le choix d'investir comme tête de liste des candidats étant soit en prison pour Oriol Junqueras, leader du parti ERC, ou en exil à Bruxelles pour Carles Puigdemont leader de la candidature Junts Per Catalunya. Difficile, dans ces conditions, d'assister à une campagne électorale normale, et aux meetings via Skype ont ainsi succédé les courriers et messages téléphoniques envoyés depuis la prison. Les élections catalanes ont été exceptionnelles, enfin, en raison de l'exacerbation des tensions au sein de la société catalane. Aux appels à la grève générale pour dénoncer la « répression de Madrid » et appeler à la poursuite du processus indépendantiste ont en effet répondu des manifestations monstres soutenant l'action du Gouvernement central et défendant l'unité de l'Espagne. Les élections du Parlement de Catalogne ont ainsi semblé se transformer en un nouveau plébiscite pour ou contre l'indépendance. C'est d'ailleurs bien cette logique de bloc qui a rencontré le succès dans les urnes. Du côté des partisans de l'unité de l'Espagne, le parti Ciudadanos a réussi le coup de force de remporter les élections en étant le premier parti de Catalogne, avec 25,37 % des suffrages et 36 parlementaires, ce qui représente une progression de 11 parlementaires par rapport aux élections